Chartes, promesses, valeurs : les illusions perdues
Pourquoi le poids des promesses non tenues, des valeurs non incarnées, des chartes trompeuses interfère-t-il autant dans l’attractivité et dans la fidélisation des talents ?
« Nous vivons dans un monde où les funérailles sont plus importantes que la mort, le mariage est plus important que l’amour, l’apparence est plus importante que l’âme. Nous vivons dans une culture de l’emballage qui méprise le contenu », disait l’écrivain Eduardo Galeano.
De ce monde des apparences, le monde de l’entreprise n’est hélas pas exclu, et les jeunes et moins jeunes, diplômés ou non, n’en veulent plus. Peut-on leur donner tort ?
Le désengagement touche aujourd’hui de plein fouet les entreprises de toutes tailles, de tout secteur d’activité. Pis, nombre d’entre elles – consciemment ou inconsciemment – sont passées maîtres dans l’art des apparences, des chartes aux promesses trompeuses et aux valeurs non incarnées. Car même si le baby-foot trône à l’entrée, si un mur végétal orne le hall et que la machine à café côtoie un assortiment de boissons bio, tous ces artifices ne sont souvent là que pour donner l’illusion que l’entreprise porte attention au bien-être au travail de son personnel. Alors qu’en fait il n’en est souvent rien. Entre cette attrayante marque employeur, bâtie à grand renfort de marketing, et la réalité vécue sur le terrain par les salariés, l’écart peut être d’une telle ampleur qu’il se traduit souvent dans ce qui s’appelle communément aujourd’hui de la souffrance au travail. Pour éviter cette situation extrême, un certain nombre de salariés, dont des cadres dirigeants, seront tentés par une démission. Et, à ce rythme-là, l’entreprise désertée n’aura d’autre choix, à terme, que de disparaître « faute de combattants » !
Les promesses de sécurité et de rémunération ne suffisent aujourd’hui plus à motiver l’engagement des salariés. C’est sur la capacité de l’entreprise à respecter ses promesses faites sur le court terme qu’un collaborateur va se forger une perception de la confiance qu’il peut avoir en son employeur. Si cette perception est bonne, il acceptera plus facilement de s’engager dans une relation durable. Mais, en cas de non-respect des promesses, la confiance est trahie, ce qui engendre une déception, et souvent par la suite une souffrance. Les talents prennent alors la fuite.
Jeunes diplômés ou seniors, nouvelles recrues ou managers confirmés, de plus en plus de collaborateurs attendent davantage de leur vie professionnelle qu’un simple statut assorti d’une rémunération. Pour s’impliquer au sein d’une entreprise, et tout particulièrement au sein d’un grand groupe – aussi renommé soit-il –, non seulement ils doivent s’y sentir en confiance, mais, pour bon nombre d’entre eux, leur mission doit faire écho aux différentes crises environnementales qu’ils traversent.
Capter des talents signifie donc pour les sociétés être en mesure d’ajuster leur proposition au marché de l’emploi, par une remise en question profonde de leur existence et de la légitimité de leur business. Les entreprises qui y parviennent sont celles qui réfléchissent sur leur raison d’être et sur leurs valeurs, fondements de cette raison d’être. Ces valeurs sont celles pour lesquelles leurs salariés seront fiers de travailler, leurs clients et fournisseurs seront ravis de collaborer avec elle.
Au centre de l’engagement des collaborateurs, les valeurs sont plus que jamais le porte-étendard de la culture d’entreprise et le socle de la marque employeur : du management par les valeurs, en passant par la démarche RSE, l’équilibre vie pro-vie perso… Les entreprises où il fait bon travailler sont celles dont les valeurs affichées sont aussi réellement incarnées, et ce au plus haut niveau de la hiérarchie, et qui se retrouvent aussi dans leur façon de travailler avec leurs collaborateurs et leurs autres parties prenantes (fournisseurs, partenaires et clients).
À l’inverse, les entreprises au sein desquelles les valeurs affichées ne sont que des vœux pieux – ou qui revêtent une forme de slogan publicitaire, jouant sur les mots et les apparences – se voient désertées par leurs collaborateurs. Car, entre les valeurs annoncées et la réalité dans les faits, l’écart est tel que les salariés qui souhaitaient s’engager dans une relation durable avec l’entreprise vont découvrir que celle-ci est basée sur de fausses « promesses » et qu’elle est, de surcroît, la plupart du temps, en décalage complet avec leurs valeurs personnelles. Ils n’aspireront plus qu’à une chose : la quitter.
Mais alors, que doivent faire ces entreprises pour retrouver le chemin de l’attractivité des talents ? Tout simplement, redécouvrir l’authenticité. Comment ?
Pour passer de l’illusion à l’authenticité, elles devront s’engager dans un réel changement de culture d’entreprise. Car seule la culture de l’authenticité peut transformer l’entreprise en une véritable force d’attractivité des talents sur le long terme. λ