Ces indépendants qui inspirent l’entreprise

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Observez les qualités des freelances et celles des nouveaux modèles d’organisations et vous y verrez peut-être ce que le salariat sera demain : autonome et responsable. La formation en entreprise doit venir combiner le meilleur de deux mondes : le développement des personnes individuelles et leurs montées en compétences dans le cadre sécurisé de leur emploi.

Par Valentine Gatard , consultante et coach dédiée aux enjeux du futur du travail, fondatrice de l’agence New Prana et hôte du podcast éponyme. Ambassadrice et hôte du podcast de la happytech #workdifferent sur l’expérience collaborateur.

Dans les grandes mutations que l’on observe dans le monde du travail, plusieurs notions reviennent systématiquement : le besoin d’autonomie, de responsabilisation, et de confiance des collaborateurs.

 

On retrouve chez les indépendants ces briques fondamentales du « Future of Work ». Beaucoup disent par ailleurs que la période du confinement n’a pas changé leurs habitudes : le travail à distance ou de chez soi était déjà courant. Mais au-delà du lieu de travail, le rapport à l’activité est une source d’inspiration pour le travail de demain.

 

L’organisation en « mode projet » permet de miser sur la qualité du travail plutôt que sur la quantité, sur la diversité pour conserver sa motivation, sur des rapports de confiance et d’engagement, et, naturellement, on se forme régulièrement pour monter en compétences, cultiver sa légitimité, se développer professionnellement et personnellement.

La formation fait partie intégrante de la carrière d’un indépendant. C’est un automatisme. On investit sur soi, sur sa propre employabilité.

 

Les indépendants savent capitaliser sur leurs talents, faire fructifier leurs ressources. Ils et elles créent particulièrement leur activité à partir de leur personnalité et des compétences qu’ils ont identifiées et qu’ils aiment cultiver. Donner aux salariés plus de clés pour les rendre acteurs de leur développement de carrière, c’est aussi leur donner la possibilité de mieux se connaître, de potentiellement se rendre plus visibles dans leur entreprise, et de travailler sur des projets qui les stimuleront particulièrement.

 

Nous pouvons également voir un parallèle avec les nouveaux modèles d’entreprises, tel que celui de l’entreprise libérée.

Sans adopter ce système sans hiérarchie, aux codes radicalement différents de ceux de la majorité des grandes entreprises, nous pouvons y puiser quelques ressources. Dans ce modèle, les collaborateurs sont pleinement responsabilisés. Ils sont acteurs des décisions communes pour l’entreprise et le système leur fait confiance pour agir avec discernement au bénéfice de l’entité globale. En insufflant progressivement certains de ces principes en entreprise, les collaborateurs peuvent gagner en confiance, progresser, se sentir valorisés, considérés. L’entreprise peut les accompagner dans leur développement de carrière et créer une relation plus vertueuse. En se formant régulièrement à des sujets qui les intéressent, qui leur sont utiles, les collaborateurs peuvent retrouver du sens à leur travail s’ils en manquaient et une nouvelle fois trouver des sources de motivation grâce à la stimulation de l’acquisition d’une nouvelle compétence ou de la découverte d’un nouveau domaine.

 

La formation en entreprise peut donc venir combiner le meilleur de plusieurs mondes, permettant le développement professionnel et personnel des collaborateurs, dans le cadre sécurisé de leur emploi, où ils peuvent être portés par la vision de l’entreprise (si elle est bien claire).

 

La formation vient aussi stimuler une compétence de plus en plus essentielle pour évoluer dans notre monde qui s’accélère : la créativité. Comme le souligne Laetitia Vitaud, dans son ouvrage En finir avec la productivité: Critique féministe d’une notion phare du monde du travail (Ed. Payot) : “Aujourd’hui, la créativité est indéniablement une qualité de plus en plus valorisée et nécessaire pour s’élever dans la hiérarchie professionnelle. Les exécutants dont on mesure la productivité « bête et méchante » sont susceptibles de se voir concurrencés par l’intelligence artificielle ou par des travailleurs moins chers qu’eux qui résident dans des pays où le coût de la vie est plus bas.

Jouer la carte de la créativité, c’est trouver le moyen de se différencier, donc de ne pas être une « commodité », c’est-à-dire un travailleur productif interchangeable comme les autres. C’est donc un enjeu de pouvoir économique. »

 

 

 

La créativité est une compétence beaucoup utilisée chez les indépendants, notamment dans le fait de devoir jouer tous les rôles pour assurer son activité.

En diversifiant les ressources et les apprentissages, en acceptant de mettre en pause la productivité des collaborateurs pour leur permettre de développer leur créativité, l’entreprise mise sur ses talents car elle a confiance en leur potentiel.

 

Aussi, en les responsabilisant, les collaborateurs auront davantage envie de s’engager sur le long-terme. Former ses salariés devient donc un gage de confiance pour la suite de leur carrière dans l’entreprise. Cela aura aussi un impact pour ce qui les attendra après, et devient un enjeu de marque employeur. En effet, l’offboarding devient partie intégrante de l’expérience collaborateur. De plus en plus d’entreprises prennent soin des collaborateurs qui les quittent et une entreprise qui accompagne ses salariés y compris dans l’après, est une entreprise qui attirera de nouveaux talents. C’est un cercle vertueux qui peut ainsi se mettre en place.

 

La formation entre dans les réflexions autour de la redéfinition actuelle du travail, notamment autour de la quête de sens. En se formant davantage, on entre dans un rapport au temps de travail différent, on sort de l’injonction à la productivité comme mentionné plus haut. On ne se forme pas uniquement pour un emploi mais pour soi. Pour son propre développement. On mise sur soi, au service d’un projet collectif. On entre ainsi dans un espace dans lequel on peut trouver de l’épanouissement, et si l’entreprise mise sur ses collaborateurs pour leur permettre d’accéder à cela, en leur donnant davantage de clés pour grandir et participer activement à la pérennité de l’activité, elle leur permettra d’accéder à cet espace.