Addictions : obligations légales, droits des salariés et approche collective
Pour prévenir et lutter contre les comportements addictifs, il convient de développer une culture de prévention au sein des entreprises.
Une politique de prévention efficace nécessite une approche globale et concertée, impliquant tous les acteurs de l’entreprise. Elle doit s’appuyer sur une communication claire et transparente, des actions de sensibilisation régulières et un accompagnement adapté des personnes en difficulté. L’objectif est de créer un environnement de travail favorable à la santé et au bien-être des salariés, tout en préservant la performance de l’entreprise. La prévention des conduites addictives s’inscrit plus largement dans une démarche de RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Les entreprises peuvent s’engager dans des démarches volontaires pour prévenir et réduire les consommations à risque : programmes de sensibilisation, formation des managers, accompagnement des salariés en difficulté. La norme ISO 26000 sur la RSE aborde les questions de santé et de sécurité au travail, ce qui pourrait inclure la prévention des conduites addictives.
Obligations de l’employeur
L’employeur a une obligation générale de sécurité envers ses salariés, défi nie par l’article L. 4121-1 du Code du travail : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Cette obligation implique que l’employeur doit prendre en compte les risques liés aux pratiques addictives dans sa démarche globale de prévention des risques professionnels.
Concrètement, cela se traduit par plusieurs actions :
- Recenser, évaluer les risques liés aux conduites addictives, y compris les consommations occasionnelles, dans l’entreprise et les consigner dans le DUERP (Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels).
- Mettre en place des mesures de prévention adaptées :
- Sensibiliser et former le personnel aux risques liés aux addictions.
- Utiliser des méthodes validées telles que le repérage précoce et l’intervention brève (RPIB) pour la prévention individuelle.
- Encadrer la consommation d’alcool lors des évènements d’entreprise : « Seuls le vin, la bière, le cidre et le poiré sont autorisés sur le lieu de travail. L’employeur peut, via le règlement intérieur, ou une note de service, limiter ou interdire la consommation d’alcool si cela est justifié par des raisons d’atteinte à la sécurité et à la santé physique et mentale des travailleurs » (article R. 4228-20 du Code du travail).
- Définir une procédure de prise en charge des situations à risque.
- Faciliter l’accès au service de santé au travail.
- Accompagner les salariés présentant des conduites addictives.
- Assurer la sécurité immédiate des salariés. L’article R. 4228-21 du Code du travail interdit l’entrée ou le séjour de personnes en état d’ivresse sur le lieu de travail. L’employeur doit établir une procédure pour gérer les cas où un employé ou une personne extérieure à l’entreprise en état d’ébriété présente un comportement dangereux pour sa sécurité ou celle d’autrui.
- Prévenir les risques psychosociaux.
Les risques psychosociaux, en particulier le stress au travail, peuvent favoriser la consommation de substances psychoactives et le développement de conduites addictives.
- Respecter la vie privée des salariés.
Le dépistage de la consommation de substances psychoactives ne peut être systématique et doit respecter des conditions strictes (article L1121-1 du Code du travail).
- Les droits des salariés
Face à cette problématique, les salariés bénéficient également de droits spécifiques :
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- Droit à la confidentialité : Les informations relatives à l’état de santé d’un salarié, y compris concernant d’éventuelles conduites addictives, sont couvertes par le secret médical et ne peuvent être communiquées à l’employeur (article L4624-8 du Code du travail).
- Droit d’accès aux soins : Les salariés ont le droit d’accéder à des soins pour leurs problèmes d’addiction, sans risque de sanction. L’article R. 4624-34 prévoit la possibilité d’un examen par le médecin du travail ou un autre professionnel de santé, au choix du travailleur (article R. 4624-34 du Code du travail).
- Protection contre la discrimination : L’état de santé, y compris lié à une addiction, ne peut être un motif de discrimination à l’embauche ou dans l’emploi (article L. 1132-1 du Code du travail).
- Droit de retrait : L’article L. 4131-1 du Code du travail prévoit l’alerte de l’employeur et le droit de retrait du salarié d’une situation de travail en cas de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Ce droit de retrait pourrait s’appliquer face au comportement dangereux d’un collègue lié à une consommation de substances, protégeant légalement le salarié qui signale ou se retire et obligeant l’employeur à agir pour garantir la sécurité sur le lieu de travail.
- Droit à la formation : Les salariés ont le droit d’être informés sur les risques pour leur santé et leur sécurité, ainsi que sur les mesures prises pour y remédier, ce qui inclut les risques liés aux conduites addictives (article L. 4141-1 du Code du travail).
Rôle du service de santé au travail
Les professionnels de santé au travail (médecins, infirmiers, psychologues et ergonomes) jouent un rôle central dans la prévention et la prise en charge des conduites addictives. Les missions (article L. 4622-2 du Code du travail) comprennent notamment :
- Conseiller l’employeur et les salariés sur les dispositions et mesures nécessaires pour prévenir la consommation d’alcool et de drogues sur le lieu de travail.
- Assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs.
- Contribuer à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire. « Le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail » (article L. 4624-4 du Code du travail).
Vers une approche collective et bienveillante
Au-delà du cadre légal, les experts recommandent une approche collective et bienveillante de la prévention des conduites addictives en entreprise. Elle consiste à :
- Impliquer l’ensemble des acteurs de l’entreprise (salariés, employeurs, représentants du personnel, service RH, service de santé au travail.) dans la démarche de prévention.
- Adopter une démarche non stigmatisante, axée sur la prévention et l’accompagnement plutôt que sur la sanction.
- Intégrer la prévention des conduites addictives dans une politique globale de bien-être et de qualité de vie au travail.