Addictions : des conséquences économiques et sociales considérables sur les entreprises

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Outre les conséquences sur la santé (dépression, anxiété, maladies graves…) et la sécurité du salarié (le risque d’accident du travail grave est par exemple multiplié par deux chez les hommes consommant au moins 4 verres d’alcool par jour), les pratiques addictives peuvent avoir de lourdes conséquences sur les entreprises concernées. Tour d’horizon de ces impacts économiques, sociaux et humains.

Par Léa Masseguin

Un quart des Français âgés de plus de 18 ans fument quotidiennement, près de cinq millions de personnes ont une consommation excessive d’alcool, environ 3% de la population est concernée par une pratique excessive des jeux d’argent et de hasard… Les chiffres relatifs aux addictions en France – qu’il s’agisse du tabac, de l’alcool, de drogues, de médicaments, ou liés à des comportements – donnent le tournis. Le milieu du travail n’est évidemment pas épargné par cette problématique. La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives estime que 9,5% des actifs français ont des ivresses répétées, tandis que 28% fument quotidiennement. Plus d’une femme cadre sur dix a une consommation à risque d’alcool. Si l’ensemble des professions sont potentiellement à risque, les métiers des arts et des spectacles, de l’hôtellerie/restauration, de l’agriculture, du transport ou de la construction sont parmi les plus exposés.

 

“La tendance à la banalisation de la consommation de certaines substances psychoactives, les initiations précoces à l’adolescence, les polyconsommations, l’augmentation des usages chez les femmes ont un impact dans toutes les entreprises et organisations privées ou publiques, peut-on lire sur le site internet de cet organisme français créé en 1982 et placé sous l’autorité du Premier ministre depuis 2008. Dans ce contexte, les managers ont une responsabilité importante dans la mise en place de conditions de travail favorables à la préservation de la santé.” 

 

Outre les conséquences sur la santé (dépression, anxiété, maladies graves…) et la sécurité du salarié (le risque d’accident du travail grave est par exemple multiplié par deux chez les hommes consommant au moins 4 verres d’alcool par jour), les pratiques addictives peuvent avoir de lourdes conséquences sur les entreprises concernées. Tour d’horizon de ces impacts économiques, sociaux et humains.

 

Baisse de la productivité

Les actifs présentant des addictions peuvent tout d’abord augmenter le taux d’absentéisme dans l’entreprise. Ces individus sont en effet davantage susceptibles de s’absenter ou d’être en retard en raison des raisons de santé liées à leur consommation (maladies, fatigue, accidents). Les comportements addictifs peuvent également entraîner des périodes d’épuisement liées aux excès, une irritabilité, une perte de motivation, et même une incapacité de travailler. En moyenne, les personnes dépendantes à l’alcool s’absentent par exemple jusqu’à 30 jours de plus par an que les autres salariés. Si elles poursuivent à l’inverse leur activité, leurs tâches sont généralement effectuées plus lentement, avec plus d’erreurs, ayant un impact considérable sur la qualité et la productivité de l’entreprise dans sa globalité. En 2007, les Etats-Unis estimaient à 193 milliards de dollars le coût économique de la toxicomanie sur le pays, en raison de la perte de productivité, du coût des traitements liés aux drogues, des incarcérations ou des décès prématurés.

 

Détérioration du climat social

Les conduites addictives peuvent détériorer l’ambiance générale et les relations entre les collègues et/ou avec la hiérarchie en raison de potentiels comportements imprévisibles, voire agressifs, qu’elles peuvent engendrer. Les absences répétées et le manque de productivité d’un salarié peuvent par ailleurs entraîner une surcharge de travail pour les autres collaborateurs, créant un sentiment d’injustice, de frustration, mais aussi parfois d’épuisement. A plus long terme, ces pratiques répétées peuvent détériorer la bonne cohésion au sein d’un groupe, et conduire à la désorganisation du travail de l’équipe. Un salarié qui souffre d’addiction peut enfin être victime de stigmatisation de la part de ses collègues, ce qui peut conduire à un isolement, voire à une augmentation de la prise de substances psychoactives visant à diminuer ce sentiment de mal-être.

 

Difficultés managériales

Les managers confrontés à ces profils difficiles font face à de nombreux défis, à la fois professionnels et personnels. Ils doivent d’abord être capables de trouver le bon équilibre entre l’accompagnement du salarié, tout en maintenant une certaine forme de discipline et de cohésion au sein de l’équipe. Ce rôle délicat peut entraîner un stress émotionnel très important chez le manager. D’autant que celui-ci a la responsabilité de garantir la sécurité de tous ses employés, en vertu du Code du travail. Ne pas intervenir rapidement pour accompagner la personne présentant une addiction pourrait engager la responsabilité légale de l’entreprise, en particulier en cas d’accident du travail lié à la prise de substances.

 

Risque accru d’accidents du travail

Environ 15 à 20% des accidents du travail en France sont liés à des consommations de drogues ou d’alcool. Les secteurs de la construction, de l’industrie et des transports sont particulièrement à risque. En cause : la prise de substances psychoactives altèrent les capacités cognitives et physiques des individus, réduisant leur vigilance et leurs réflexes. En cas de manquement grave à son obligation de sécurité envers ses salariés et selon la gravité de l’accident, l’employeur pourrait même être poursuivi pour mise en danger de la vie d’autrui ou homicide involontaire.

 

Coût financier

                  Ces accidents du travail engendrent des coûts directs (soins médicaux, indemnisations) et indirects (interruption de travail, remplacement de l’employé, enquêtes internes) pour l’entreprise. Celle-ci doit par ailleurs potentiellement gérer les frais liés à des procédures disciplinaires ou judiciaires, mais aussi les coûts d’un licenciement et d’un remplacement. L’impact financier de l’absentéisme d’un salarié sur une entreprise peut enfin être significatif : en France, le coût moyen est estimé à environ 4000 à 5000 euros par salarié absent par an, selon différentes études.

 

Mauvaise réputation de la marque

Les cas publics d’addiction au sein d’une entreprise, surtout lorsqu’ils sont liés à des accidents graves, peuvent nuire à la réputation de la société. Ces conduites peuvent affecter les relations avec les clients et les partenaires, et même décourager de futurs potentiels nouveaux talents à rejoindre l’entreprise.

 

Face à ces lourdes conséquences économiques et sociales que font peser les pratiques addictives d’un salarié sur une société, il est crucial que les entreprises mettent en place des politiques de prévention et d’accompagnement afin de gérer ces risques. Pour faire face à une situation de crise, les autorités françaises à tous les acteurs (dirigeants, managers, chargés des ressources humaines, salariés) d’entamer des démarches de prévention collective, d’utiliser l’approche RPIB (repérage précoce de l’intervention brève), dont l’objectif est de détecter les premiers signes d’addictions avant que ces comportements ne deviennent chroniques. L’accompagnement des salariés est également indispensable pour prévenir les inaptitudes et la désinsertion professionnelle. Le gouvernement conseille aux sociétés de se diriger vers le portail “Addict’Aide Pro”, qui offre une sélection d’outils, de ressources et de bonnes pratiques pour limiter les risques liés aux addictions.