Culture de l’autonomie : et si c’était la clé du succès de Doctolib ?
Dix années après sa création, la plateforme médicale est devenue le géant français de l’e-santé que l’on connaît.
La grande majorité des 2 800 collaborateurs n’avaient pas 20 ans quand elle a été lancée. C’est donc un corps social jeune mais qui gagne en maturité que Matthieu Birach, DRH supervise. La question de l’autonomie est plus que jamais au cœur des enjeux People.
Quel rapport avez-vous avec le sujet de l’autonomie ?
C’est un sujet qui me plaît parce que cela fait 8 ans que je suis chez Doctolib. Une des choses qui m’ont frappé quand je suis arrivé, c’est la capacité de l’organisation à continuellement renforcer les moyens d’autonomiser, de responsabiliser et de toujours se poser la question du juste équilibre entre la méthode pour autonomiser et responsabiliser, et en même temps soutenir et apporter le cadre nécessaire pour que les gens puissent se développer chez nous et avoir une carrière à la fois intense et agréable.
Quels sont les leviers que vous utilisez pour encourager cette autonomie ?
Le premier levier est celui de la transparence. Tous les employés ont accès à énormément d’informations sur nos produits, nos clients, notre modèle économique, nos résultats. Si bien qu’au début, quand des collaborateurs nous rejoignent, cela fait beaucoup, parce qu’il y a beaucoup d’informations à digérer… Mais très vite, on se rend compte que le fait d’avoir une information librement disponible, quel que soit le niveau des collaborateurs, leur permet de piocher ce qui est important pour eux et de s’autonomiser plus rapidement dans le cadre de leur travail. Le second levier est la transparence véhiculée dans les missions que l’on donne à nos collaborateurs, et ensuite, laisser suffisamment de flexibilité pour que les gens puissent s’organiser à l’intérieur d’une semaine, d’un mois ou d’un trimestre. L’idée est d’avoir un cadre clair au niveau de la mission, mais beaucoup d’autonomie sur les moyens mis en œuvre pour réaliser les tâches ou objectifs.
Comment évaluez-vous l’équilibre entre autonomie et besoin de supervision chez vos jeunes employés ?
C’est toujours un enjeu de trouver le juste milieu. Nous avons plus de 600 managers, dont la moitié sont des primo-managers :
le management peut être extrêmement utile pour maintenir cet équilibre entre le besoin d’autonomie et le soutien. Le management de proximité avec un manager qui est un peu coach, c’est quelque chose qu’on a développé depuis très longtemps et qu’on a insufflé dans nos formations. On forme 100% de nos managers, qu’ils soient primo-managers ou qu’ils aient déjà été managers avant de nous rejoindre, et on revient beaucoup sur ces principes d’équilibre entre autonomie et cadre.
Vous avez une Management Academy, pourquoi ? Pour intégrer vos collaborateurs dans un modèle Doctolib ?
Oui, c’est vraiment ça. C’est de se dire, comment notre culture peut se transposer dans une culture managériale avec des rituels, des comportements qu’on va essayer de généraliser au sein de l’entreprise. Aujourd’hui, tous nos managers ont la même approche sur le suivi de la performance de leurs équipes, sur la construction d’un plan de développement. On a des outils pour ça et on s’assure que les outils sont utilisés et que la relation entre les managers et leurs équipes est bonne. Nous avons un outil interne de sondage qui nous permet de mesurer l’engagement des collaborateurs sur plusieurs leviers, et un des leviers sur lequel on obtient les meilleures notes, c’est la relation avec le manager. C’est une vraie fierté pour nous, un véritable accomplissement, parce que le management a été beaucoup remis en question, notamment depuis le COVID et les questions sur le télétravail. Nous, depuis 10 ans, nous avons investi sur ce modèle et l’on voit que cela fonctionne puisque, encore une fois, les collaborateurs notent très bien la qualité de leur relation avec leur manager.
Est-ce que la formation et le développement tout au long de la carrière ce sont aussi des outils de rétention pour les jeunes collaborateurs ?
Bien sûr, le fait de bouger, de pouvoir évoluer, c’est un vrai levier d’engagement, d’autonomie et de responsabilité. Chez Doctolib, on est parti de notre culture, de nos valeurs, pour définir un ensemble de compétences qui sont essentielles pour tous ceux qui veulent une carrière heureuse et longue. Concrètement, quand quelqu’un arrive chez Doctolib, il y a un niveau attendu sur un ensemble de compétences, des soft skills et des skills techniques. Pour les soft skills, il y a une bibliothèque de compétences permettant à chacun de se développer sur sa capacité à résoudre des problèmes, à apprendre, à être proche de nos utilisateurs. Cela donne l’opportunité de construire un parcours. Nous essayons de dire à nos collaborateurs que nous établissons un cadre, mais que c’est à eux de construire leur carrière. Nous organisons des réunions sur la mobilité interne, où des gens viennent présenter leur métier, et nous publions de nombreux témoignages de success story pour inspirer et encourager les salariés. Cela responsabilise les collaborateurs et fonctionne bien, car nous voyons des carrières riches, avec des changements de métier ou de pays fréquents.
En tant que DRH, vous devez aussi vous former tout au long de votre carrière ?
Bien sûr, c’est essentiel, car les attentes des collaborateurs ont beaucoup évolué. Nous devons suivre ce rythme d’évolution pour proposer une politique RH engageante et pertinente. Nous nous inspirons énormément des autres équipes chez nous, notamment des équipes produits pour construire notre roadmap RH, basée sur les vrais besoins de nos utilisateurs et compréhensible pour tous.
Sur les avantages salariés et l’équilibre vie pro/perso, que proposez-vous chez Doctolib ?
Nous avons un modèle de télétravail encadré. La plupart de nos collaborateurs sont en mode flex, ce qui signifie qu’à l’échelle d’un mois ou d’un trimestre, nous demandons qu’ils soient plus souvent au bureau qu’en télétravail. Nous responsabilisons les équipes et les managers, en leur expliquant pourquoi nous croyons que c’est mieux pour nos collaborateurs d’être plus souvent au bureau, sans mesurer à l’échelle individuelle. Cela repose sur la confiance et la responsabilisation des gens, en leur expliquant bien les raisons derrière nos choix. Chacun doit comprendre et adhérer à la philosophie derrière notre approche.
Responsabilisation, autonomie, reconnaissance, confiance, ce sont des attentes universelles aujourd’hui. Votre conviction qu’une bonne politique RH doit passer par là, vous l’avez acquise chez Doctolib ou avant ?
Un peu des deux. Je me suis rapidement rendu compte que la clé était de s’entourer de gens inspirants, et que les enjeux humains étaient des leviers puissants de performance durable. Cela a été une intuition de notre fondateur Stanislas, qui dès le début de Doctolib, a voulu améliorer le quotidien des professionnels de santé et construire une équipe de milliers d’entrepreneurs. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai rejoint et suis resté chez Doctolib. Les défis actuels et futurs dans le monde des RH sont passionnants, et c’est une chance de pouvoir travailler sur ces sujets dans un monde en évolution rapide.
Quels sont les défis ou les difficultés RH chez Doctolib aujourd’hui ?
Notre principal défi est de faire grandir nos collaborateurs aussi vite que l’entreprise, qui est en transformation permanente. Nous devons accompagner les gens pour qu’ils puissent suivre ce rythme de croissance. Cela recoupe de nombreux enjeux et nécessite une démarche d’innovation continue.
Pouvez-vous donner un exemple concret ?
En 2020, nous avons décidé de rendre tous nos employés actionnaires de Doctolib pour responsabiliser chacun, même si nous recrutons des centaines de personnes chaque trimestre. Cela a été un pari innovant et complexe à mettre en place, mais cohérent avec nos valeurs d’entrepreneuriat et de responsabilité. l