Nouveaux modes de travail : les Français placent la rémunération en 1er critère pour choisir de travailler dans une entreprise, sur fond de préoccupation croissante autour du pouvoir d’achat.
À un mois de l’élection présidentielle française, alors que le pouvoir d’achat semble plus que jamais au cœur des préoccupations des Français, la quatrième édition du baromètre France 2025 Generali – Viavoice – Radio Classique s’est penchée sur les nouvelles formes de travail et la perception qu’en ont les Français.
Faits notables de ces dernières années : le télétravail s’est généralisé dans le secteur du service du fait de la crise sanitaire. Face aux enjeux environnementaux et de lutte contre les inégalités, les entreprises s’attachent de plus en plus à définir leurs valeurs et leur responsabilité sociale. Mais au-delà de ces sujets largement relayés dans les médias, quelles sont les véritables préoccupations des Français ? Quelles sont leurs aspirations et sont-ils optimistes quant à la réalisation de celles-ci à l’horizon 2025 ?
La présente étude montre qu’une majorité des actifs pensent que leurs exigences et leurs attentes envers leurs entreprise vont changer (salaire, conditions de travail, sens au travail) mais elle révèle également un pessimisme certain quant à la satisfaction de ces exigences, ainsi que des craintes profondes relatives aux conséquences des évolutions du travail, qu’elles soient légitimes ou fantasmées. Ainsi, il apparait clairement que la révolution du travail en cours s’opère sur une multiplicité de registres et est loin d’être aboutie. Face aux évolutions économiques, sociales et technologiques du monde du travail, quelles sont les exigences des Français, et comment perçoivent-ils les défis que les entreprises auront à relever dans les trois prochaines années ?
À noter que cette étude, réalisée entre le 18 et le 21 février, ne prend pas en compte le contexte géopolitique récent de la guerre Russie-Ukraine
Volet thématique
Travailler en 2025, les nouvelles formes de travail
Ce que cette étude nous montre en premier lieu, c’est un décalage substantiel entre les changements souhaités par les Français actifs et les changements attendus, c’est-à-dire réellement escomptés. Si 58 % des Français actifs souhaiteraient voir leur rapport au travail changer, seuls 47 % pensent qu’une telle évolution aura lieu dans les trois prochaines années. De la même manière, 51 % des Français actifs souhaiteraient une évolution de l’organisation du travail mais seuls 38 % pensent que celle-ci sera effective dans les années à venir. On peut ainsi conclure à un certain pessimisme : les Français formulent des exigences claires quant à leur rapport au travail mais semblent peu convaincus que leurs aspirations trouveront des réponses dans un avenir proche.
L’étude met également en lumière un clivage net parmi les Français quant à la perception des changements à venir : d’un côté, ceux qui prévoient un changement de leur rapport au travail (47 %), de l’autre, ceux qui ne l’anticipent pas (49 %). Il est intéressant de noter que les très jeunes actifs (18-24 ans) semblent plus enclins à prévoir des évolutions corrélées à leurs attentes sur le plan de l’organisation de leur travail, aussi bien que sur le plan du rapport avec leurs supérieurs et leurs collègues.
Il faut aussi relever que ceux qui pratiquent le télétravail anticipent d’avantage les changements évoqués mais semblent plus exigeants dans leurs aspirations : cette catégorie est en effet surreprésentée parmi ceux qui souhaitent faire évoluer leur modalité de travail (23% des télétravailleurs contre 13% au global).
En toile de fond, les évolutions du monde du travail suscitent de profondes inquiétudes.
Si une grande partie des Français actifs sont sceptiques quant à la satisfaction de leurs aspirations de changement dans un horizon de trois ans, une majorité semble en revanche inquiète quant aux conséquences des évolutions du travail. Cette inquiétude porte principalement sur deux éléments.
- D’abord sur le caractère subi des changements qui pourraient advenir : 47 % des sondés pensent que les changements seront subis, imposés par les entreprises et les nouvelles contraintes qui pèsent sur elles.
- Ensuite, sur l’accroissement des inégalités qui pourrait en découler : 64 % des Français actifs pensent que les nouvelles formes de travail pourraient accroitre les inégalités. Parmi eux, 39 % estiment que « tout le monde » pourrait subir de nouvelles inégalités, attestant ainsi d’un besoin réel de dialogue sur les conséquences de ces évolutions. Mais la catégorie pour laquelle les craintes se cristallisent est assurément celle des séniors : en effet, 43 % des sondés estiment que les séniors seront les principales victimes de ces inégalités, une crainte qui pourrait se comprendre au regard de l’évolution des outils de communication et de la culture managériale.
Face aux attentes des Français, les nouveaux enjeux des entreprises en 2025 ont été identifiés.
56% des actifs pensent que leurs exigences et leurs attentes vont évoluer, notamment sur le plan des conditions de travail.
Concrètement, les Français actifs mettent en avant les critères de choix suivants pour travailler dans une entreprise dans les trois prochaines années :
- En premier lieu, la question de la reconnaissance au travail intrinsèquement liée au critère financier. Ainsi, pour choisir une entreprise, 64 % des Français déclarent qu’ils seront d’abord attentifs au salaire.
- En deuxième position, la qualité de vie et le bien-être au travail seront prioritaires pour 47 % des Français.
- En troisième lieu sera prise en compte la situation géographique par rapport au lieu de résidence (pour 31 %).
- Pour 25 % d’entre eux, l’ambiance au travail constituera un critère primordial.
Il est intéressant de relever que les nouvelles modalités d’organisation du travail (télétravail) se situent seulement en 5ème position (17%), même si ce faible intérêt est à relativiser dans la mesure où de nombreux métiers ne sont pas concernés par le télétravail.
Autre donnée surprenante : cette étude met en évidence un relatif désintérêt des Français pour l’engagement des entreprises pour la société ainsi que leur impact sociétal qui ne sont cités qu’en neuvième position (8 %). Il faut toutefois noter que les 25-34 ans sont surreprésentés parmi les personnes qui auraient pour critère majoritaire l’engagement de l’entreprise pour la société (13 % contre 8 % de l’ensemble).
De manière cohérente, les Français perçoivent les défis que les entreprises auront à relever comme correspondants à leurs attentes. Ainsi, pour 56% des Français, les salaires et leur revalorisation seront le premier enjeu qui mobilisera les entreprises. 34 % des Français estiment que les entreprises devront répondre à de nouvelles attentes des salariés (qualité de vie au travail, services). Parmi les autres défis attendus : la pénurie de main-d’œuvre anticipée par un tiers des Français, la formation (anticipée par 17 % des sondés). Faisant écho aux critères de choix énoncés plus haut, seuls 11 % des Français estiment que la responsabilité sociale représentera un défi majeur pour les entreprises d’ici 2025.
Signe que les Français sont convaincus de ces nouvelles exigences pour l’avenir dans le monde du travail, 62 % estiment qu’il serait possible qu’il puisse exister en France un phénomène de « Grande démission », comme aux Etats-Unis où des millions de travailleurs ont quitté leur emploi ces derniers mois. Cette conviction est toutefois à nuancer puisque pour la majeure partie des actifs, les évolutions semblent d’avantage attendues au sein de leur entreprise (29 % souhaitant faire évoluer leur poste et leurs missions et 13 % souhaitant faire évoluer leurs modalités de travail.) ; peut-être une conséquence de notre droit du travail qui consacre le CDI. Parmi les 17 % de Français qui déclarent vouloir changer de travail et les 10 % qui déclarent vouloir changer d’entreprise, combien seront-ils à passer le cap ?
François Miquet-Marty, Président de Viavoice et du Global Center for the Future, souligne : « L’avenir du travail serait établi. Réinvesti par le sens et par la liberté d’organisation, il serait à la fois plus impliquant et plus libre. Pourtant, les résultats de cette nouvelle livraison du Baromètre France2025 Viavoice pour Generali et Radio Classique révèlent également de tout autres perspectives : en tête des critères de choix d’une entreprise sont cités par les actifs ‘le salaire’ (74 %) et ‘la qualité de vie et le bien-être au travail’ (53 %). Un avenir-Janus du travail donc, qui se certes se réinvente, mais qui n’oublie pas non plus les fondamentaux. »
Volet barométrique
Les préoccupations des Français dans la campagne présidentielle
- Le pouvoir d’achat, préoccupation centrale dans un climat d’inquiétude généralisée
L’étude barométrique met en évidence une persistance de l’inquiétude des Français puisque 63 % d’entre eux se déclarent « inquiets », une inquiétude qui ne semble pas porter seulement sur les trois années à venir puisqu’elle portée à son paroxysme lorsque les Français sont invités à se prononcer sur l’avenir de leurs enfants : 75 % se déclarent inquiets et près d’un tiers, très inquiets.
Dans ce climat d’inquiétude généralisée, le pouvoir d’achat apparait comme la préoccupation principale des Français. Cette préoccupation s’est renforcée depuis janvier (+ 8 points). On peut supposer que la tendance sera encore à la hausse ces prochaines semaines, du fait des répercussions de la guerre en Ukraine sur l’économie et notamment le coût de l’énergie.
- La campagne présidentielle face aux inquiétudes des Français
On constate ainsi un décalage persistant entre les occupations réelles des Français et les sujets présents dans le débat public.
Outre le pouvoir d’achat, perçu comme insuffisamment représenté bien qu’en progression de 11 points par rapport à janvier, les Français relèvent une sous-représentation des thèmes : de la santé (laquelle chute de 9 points par rapport à janvier alors qu’elle constitue le deuxième sujet de préoccupation majeur), de l’écologie (dont la présence semble s’amenuiser de 5 points). Enfin, corollaire des craintes des Français pour l’avenir de leurs enfants, l’éducation s’installe comme la grande oubliée de cette campagne. Un tiers des Français la cite comme sujet de préoccupation majeur, tandis que seuls 7 % indiquent en entendre parler dans les débats actuels.
Les Français ont noté en revanche une surreprésentation des thèmes de l’immigration, du terrorisme et de l’insécurité. Il faut encore une fois noter que cette étude a été réalisée avant le conflit en Ukraine, lequel a pris un importance médiatique considérable ces dernières semaines.
Conséquence de ce décalage entre les préoccupations des Français et leur représentation dans le débat, 76 % des Français estiment que pour préparer la France de 2025, la campagne présidentielle actuelle n’apporte pas de bonnes idées, un jugement particulièrement répandu dans la catégorie de 50-65 ans.
- Quelles solutions pour 2025 ? la progression des candidats de sensibilité « extrêmes » dans les sondages à la présidentielle.
À un mois du premier tour de la présidentielle et à l’heure où les parrainages ont entériné la participation des principaux candidats, les Français expriment une idée plus précise de la capacité de ceux-ci à réparer le France de 2025 (- 7 points sur les non-réponses).
Si Emmanuel Macron semble conserver une confortable avance par rapport aux autres candidats, se maintenant à 25%, il n’en est pas de même pour Valérie Pécresse qui perd un point par rapport à janvier. En effet, seuls 18% des Français l’estiment capable de préparer l’avenir.
À l’extrême-gauche, Jean Luc Mélenchon réalise une progression de 9 points séduisant principalement les jeunes (18-34 ans) et les plus de 65 ans. On relève également une progression notable de Fabien Roussel, qui gagne 7 points.
À l’extrême-droite, Marine Lepen et Eric Zemmour enregistrent tous deux une hausse de quatre points.
Là encore, il importe de prendre ces chiffres avec précaution du fait de de la nouvelle donne géopolitique dont nous ne mesurons pas encore l’impact.
François Miquet-Marty, Président de Viavoice et du Global Center for the Future commente : « Cette campagne présidentielle 2022 s’achève paradoxalement sans avoir vraiment débuté. Occultée par la pandémie de Covid, négligeant les principaux sujets de préoccupations des Français, et désormais éclipsée par la guerre en Ukraine. Encore aujourd’hui les trois quarts des Français (76 %) estiment que cette campagne présidentielle ‘n’aura pas généré de bonnes idées’…Une campagne certes empêchée par les circonstances, mais également en deçà des aspirations de nombreux Français pour se projeter dans le monde de demain : pour le moment, une occasion démocratique qui n’a pas rempli son office. »