McDonald’s France : vers des métiers « développants »

18 min de lecture

Avec ses 7 5000 salariés, ses 4 0000 embauches annuelles de jeunes et  presque 2/3 de ses salariés âgés de moins de 25 ans, McDonald’s France est une vigie pour observer la génération des « Millenials », ces jeunes âgés de 25 à 35 ans, dont on ne saisit pas encore totalement le rapport au travail. Rencontre avec Hervé Baron, Senior Vice-Président RH McDonald’s France

Par Olivier Lagrée et Anne-Cécile Huprelle

On décrit parfois les « Millenials », comme « désenchantés » face au monde du travail. Est-ce votre constat ?

 

Ce n’est pas l’analyse que je fais de cette « nouvelle génération » qu’effectivement nous connaissons bien puisque 40% de nos collaborateurs sont étudiants. Même s’il faut se garder d’un excès de généralités vis-à-vis de cette génération qui est aussi le reflet de la diversité croissante de notre société et de ses origines géographiques, sociales et culturelles, rien de ce que j’observe dans les « marqueurs communs » à ces jeunes qui rejoignent nos 1520 restaurants ne me fait considérer cette génération comme désenchantée. Elle est simplement différente. D’abord, et c’est la première chose qui me frappe, nos jeunes collaborateurs diffèrent énormément de leurs ainés dans la façon qu’ils ont d’aborder la vie comme un tout et de savoir combiner travail et vie personnelle de façon naturelle, sans stress particulier. Ainsi, la notion de déconnexion et de séparation vie pro/vie perso qui a été si importante pour nous ne les mobilise pas beaucoup. Eux cherchent plutôt à se réaliser en tout et tout le temps, aussi bien avec leurs amis qu’avec leurs collègues. « On n’a qu’une vie » est un de leurs mantras préférés. Ensuite, cette génération est naturellement le produit ce qui l’a précédé et deux choses me semblent avoir particulièrement influencé son rapport au travail et à l’entreprise. La grande majorité de ces jeunes ont connu, dans leur famille ou leur entourage proche, des personnes ayant vécu le chômage ou le licenciement. Dès lors, ils ne croient plus au rôle protecteur de l’entreprise et n’attendent pas de celle-ci qu’elle soit la réponse à toutes leurs aspirations. Ils savent, et acceptent, beaucoup plus facilement que leurs ainés, que leur destin est entre leurs mains. Par ailleurs, ils  vivent, souvent depuis le plus jeune âge, dans des contextes de familles diverses et recomposées et je crois que cela a accentué leur capacité à vivre plus facilement et plus simplement les bouleversements et le changement. Se séparer, ça peut arriver, ce n’est pas un drame. Et il faut avancer. C’est la vie.Tout ça ne fait pas une génération désenchantée vis-à-vis du travail, mais plutôt une génération qui préfère « réussir sa vie » que « réussir dans la vie » et ne voit pas la position du travail comme centrale.

 

 

Comment  peut-on décrire cette génération qui représentera d’ici 2030, 70% de la main d’œuvre ? Et comment les entreprises doivent-elles l’accueillir et la manager ?

 

Il faut d’abord reconnaître que cette génération des Millenials a été moins exposée que celles qui l’ont précédée à des règles d’éducation strictes et normatives. Très concrètement, cela veut dire que souvent, pour le jeune travailleur des années 2020, des choses comme la discipline, la règle, la ponctualité sont souvent des découvertes et des apprentissages associés au premier travail. En revanche, le contexte dans lequel il a grandi permet à ce jeune équipier, c’est comme ça qu’on nomme nos collaborateurs, d’être très à l’aise avec les outils technologiques, avec les modes d’organisation favorisant transversalité et coopération, avec les environnements de travail caractérisés par la mixité et la diversité. Ces compétences-là sont de très forts atouts pour nos organisations. Enfin, pour ce jeune équipier qui nous rejoint le rapport à la hiérarchie est  différent d’avant et cela doit être pris en compte. Pour faire simple, disons que cette notion de hiérarchie au sens traditionnel, le Millenial « ne la capte pas ». Pour lui, la reconnaissance va à ceux qui l’aident, l’écoutent et lui apprennent le travail. Pas à ceux qui commandent ou réprimandent.

Autant de choses que nous, employeur, devons prendre en compte dans nos modes d’accueil, d’intégration, de formation et d’animation. Chez McDonald’s, nous prenons ainsi grand soin à ces dimensions. Dans la formation que nous donnons à nos managers nous veillons à ce qu’ils comprennent et sachent accompagner cette jeune génération en sachant aussi saisir les opportunités nouvelles d’animation managériale qu’offre une génération qui, je trouve, a  comme grande qualité sa confiance en ses propres capacités pour construire l’avenir. Cette génération, loin d’être désenchantée, ose, se lance et peut être confrontée à un management exigeant sans que cela crée des frustrations ou des découragements. C’est une chance pour notre entreprise

 

 

Comment justement définissez-vous l’expérience de travail chez McDonald’s ? Et comment construisez-vous cette Expérience Employé qui semble essentielle chez Vous  ?

 

Vous le savez, notre promesse-client est : « venez comme vous êtes ». Nous proposons la même chose à nos collaborateurs et équipiers : « viens comme tu es, tu vas apprendre et vivre une expérience passionnante ». Dans nos restaurants, l’expérience client perçue résulte en effet beaucoup de la qualité de l’expérience collaborateur construite. Les gens viennent certes pour la lisibilité de notre offre de restauration mais ils reviennent aussi parce qu’ils passent chez nous un bon moment, dans une ambiance agréable, accueillante, familière.

C’est donc d’abord la maîtrise d’un métier de service riche, divers et complet que nous proposons à nos équipiers. Travailler dans nos restaurants est un métier exigeant mais aussi apprenant et « développant ».

Résultat, en termes d’employabilité, l’image et l’expérience McDo sont fortes et reconnues. Les recruteurs et les employeurs savent bien que si tu as travaillé chez McDonald’s tu as été confronté à la gestion du rythme, aux exigences de qualité, d’hygiène, au travail en équipe dans un métier où la solidarité collective est indispensable à la réussite.

Commencer chez McDonald’s doit être un tremplin, y compris pour progresser au sein de notre entreprise. J’aime constater que beaucoup de nos collaborateurs sont venus par hasard et sont restés par plaisir : 80 % des responsables de restaurants ont commencé comme équipier. 25 % des collaborateurs du siège ont eux aussi commencé comme équipier dans nos restaurants !

 

 

On sait que cette nouvelle génération est de plus en plus sensible et militante vis-à-vis de l’avenir de notre planète. Où en êtes-vous aujourd’hui dans ce domaine de l’éco-responsabilité et de l’attention portée à l’environnement ? 

 

Là aussi, il est très important pour nous de construire des dispositifs d’action qui s’adressent de façon cohérente aussi bien à notre marché et nos clients qu’à nos équipiers.

 

Franchement, les gens qui viennent travailler chez nous et nos consommateurs sont « surpris en bien » de la réalité de notre éco-responsabilité et constatent que ce qui se passe dans nos restaurants n’a rien de commun avec l’image qu’on a, à tort, parfois accolé à notre activité.

 

Concrètement notre client et notre équipier voient : une gamme variée et offrant de nombreuses alternatives diététiques, l’affichage volontariste du Nutriscore et d’autres informations nutritionnelles claires sur tous nos produits, la disparition du plastique dans nos emballages, des jeux dans les menus enfants plus éducatifs et plus durables, des dispositifs de tri sélectif au cœur même de nos restaurants, …

Et ils voient aussi que dans chaque restaurant il y a un référent « éco-progress » qui pilote les économies d’énergie. Ils constatent lors de chaque réception de commande la vitalité de nos partenariats avec le monde agricole, le recours aux appellations d’origine contrôlée, l’utilisation de farines label rouge, ..

 

Nos collaborateurs voient la cohérence entre nos paroles et les actes sur le terrain. Et ils sont fiers de ça

 

 

Comment la DRH participe-t-elle à cette ambition d’être un employeur « de son temps » ? On a beaucoup entendu parler de la remise en question chez McDonald’s du CV comme outil de recrutement …

 

C’est vrai,  le CV chez nous ne joue qu’un rôle marginal. On privilégie le recours à la vidéo. Notre raisonnement est simple : Le jeune qui veut nous rejoindre, il a 18 ans. Il n’a pas beaucoup d’expérience professionnelle et on ne veut pas qu’il invente un CV et une lettre de motivation trouvés sur internet. On préfère qu’il nous dise en quelques minutes avec ses propres mots, qui il est, d’où il vient, ce qu’il a envie de faire. La vidéo c’est parfait pour transmettre çà.

 

Mais plus encore que le recrutement, notre totem RH c’est la formation. Notre effort de formation, a toujours été très important. Il continue et il continuera à augmenter. Non seulement parce que nous accueillons comme nouveaux équipiers des gens qui n’ont pas forcément disposés de la même éducation de base qu’autrefois et parce que le niveau d’exigence des clients et de la société vis-à-vis de la restauration rapide a beaucoup augmenté. Et nous assumons de jouer ce rôle sociétal d’éducateur. Mais aussi, parce que notre conviction et notre logique d’action peuvent se résumer ainsi :  chaque poste doit te préparer au suivant. Et ça commence dès l’accueil d’un nouvel équipier qui va suivre dans son restaurant des parcours d’apprentissage obligatoires très structurés et très ambitieux. Cette culture formation forte en restaurant est ensuite relayée par les actions au niveau du Groupe et du Siège où se retrouvent systématiquement et régulièrement nos managers.

 

Pour imager cette dynamique, je dis souvent que chez nous, on doit construire et offrir un escalier social face auquel chacun peut avancer à son rythme et grâce auquel tous ont la possibilité de progresser.

Dans la même logique, nous croyons aussi beaucoup en l’apprentissage et par exemple on a créé un « CFA spécial McDonald’s ». C’est important de développer l’accès à des accréditions et titres professionnels, aussi bien pour nos salariés que pour de futurs équipiers qui vont en profiter avant même de nous rejoindre.

 

On ambitionne vraiment d’être une organisation apprenante et ça ne fonctionne bien selon moi que si on vise continuellement une égalité des chances de développement professionnel. Que ce soit avant, comme apprenti ; Que ce soit pendant, comme équipier ; Que ce soit aussi après, comme franchisé

 

Bref, pour conclure « venez comme vous êtes et nous vous aiderons à devenir le meilleur de vous-même » pourrait être notre slogan RH car c’est notre conviction pour le développement des jeunes mais aussi des moins jeunes car même si aujourd’hui on a beaucoup parlé des Millenials, nos politiques de développement s’adressent à tous, aussi bien à la jeune maman qui a besoin d’un travail à temps partiel qu’au retraité qui veut rester dans la vie active.

 

A tous on dit : Venez, on va vous accompagner, comme vous êtes !