Choyer l’écologie de la personne : une recette pérenne
Dans le cadre professionnel, l’engagement se traduit par cet élan qui incite une personne à donner le meilleur d’elle-même, en allant parfois au-delà de la définition de sa fonction. Être engagé, c’est avoir envie de faire l’extra mile, cet effort supplémentaire pour parachever une action.
Notre énergie n’est pas extensible à l’infini : si nous souhaitons développer notre propre engagement et celui des autres au service d’une cause supérieure ou d’un projet d’entreprise, cela ne doit pas se faire au détriment de notre santé physique et psychique ni de celle de nos coéquipiers.
Nous devons viser un engagement sain et durable. Sain, parce qu’assumé, mûri, conscient, s’inscrivant dans un projet de vie régulièrement réinterrogé et ajusté. Durable, car déployable à long terme. Tout l’inverse des exploits de courte durée, menant à l’épuisement.
Comment atteindre cet engagement sain et durable ? En guise de réponse, je souhaiterais partager ici trois convictions.
Ma première conviction est qu’un être humain est un écosystème qui trouve son équilibre dans une pluralité de sphères d’épanouissement, qu’elles soient professionnelle, familiale, artistique, sportive, spirituelle, etc. À chacune et à chacun son propre cocktail de l’équilibre et de l’engagement.
Si je suis investi dans une seule sphère au détriment de toutes les autres, je vais le payer tôt ou tard. Sauf dans certains cas bien sûr : si je suis papa aujourd’hui, il sera normal que je sois accaparé par ma vie familiale. De même, si je prends un nouveau job avec plus de responsabilités, mon investissement professionnel sera prédominant pendant quelques mois. Tout cela est affaire de cycles de vie, avec des sphères d’épanouissement dans lesquelles on s’investit plus ou moins en fonction des périodes de l’existence.
Néanmoins, il faut éviter de vouloir jouer les supermen ou les superwomen… En effet, vouloir tout réussir tout de suite peut se révéler dangereux pour la santé, tout comme ambitionner de réussir mille vies en une seule. Gare à la tyrannie du bonheur à 360 degrés et à l’hybris. Restons sages et pragmatiques, en éveil sur ce qui se passe dans notre corps et dans notre esprit.
Ma seconde conviction réside dans la non-corrélation systématique entre engagement et performance. De prime abord, on pourrait penser que, plus je m’engage, plus je gagne en performance. Or cette corrélation a ces limites. Certes, à partir d’une situation de faible engagement, plus j’augmente mon investissement, plus j’accrois ma performance. Mais jusqu’à un certain point, c’est-à-dire jusqu’à un point d’optimum où mon niveau d’engagement est tel que ma performance est à son maximum. À partir de ce point d’optimum, tout regain d’engagement va entraîner une perte de performance. Je vais commencer à faire des erreurs, à devenir irritable, à me sentir de plus en plus fatigué. Pour le dire vulgairement, je suis en train de « me cramer ». Je tombe dans le « surengagement ». Je dois donc rester vigilant sur le dosage de mon engagement. Quand j’entre dans la zone rouge, celle du surengagement, je dois accepter de me désengager temporairement pour mieux revenir dans le jeu une fois je me serai ressourcé.
Donc, ni surengagement, ni sous-engagement, mais le juste engagement. J’entends parfois des gens me dire fièrement qu’ils « travaillent comme des dingues ». Je ne suis pas d’accord avec ça ! Pour moi, travail et équilibre doivent aller de pair. Je prône une performance humainement durable.
Ma troisième conviction concerne la conversion des esprits au management de soi. Se fixer un rendez-vous avec soi-même à intervalle régulier – une fois par mois, une fois par semaine… –, pour prendre du recul sur la façon dont on gère chacune de ses sphères, et s’interroger sur les questions suivantes : suis-je en phase avec ce qui compte pour moi dans la vie ? Est-ce que je ne m’oublie pas sur certaines dimensions importantes ? Comment puis-je faire évoluer mon projet de vie pour réellement enrichir ma vie et non pas perdre ma vie à la gagner ?
En prenant régulièrement ce temps avec moi-même, je peux ajuster mon équilibre et mes engagements. Tout véritable équilibre est dynamique : c’est comme marcher, j’avance un pied, je me mets en déséquilibre, puis je pose le pied et retrouve un équilibre temporaire, avant d’avancer l’autre pied, et ainsi de suite. Mon équilibre se construit en avançant, par ajustements successifs.
En conclusion, la question de l’énergie me semble de plus en plus centrale dans nos sociétés. Je ne parle pas ici du gaz ou du pétrole, même s’il y aurait beaucoup à dire… Je parle de notre énergie, de votre énergie. Car la vie quotidienne s’est complexifiée dans nos sociétés : des temps de trajet plus longs, des logistiques familiales plus compliquées, une sorte d’accélération du temps… Et notre énergie n’est pas extensible à l’infini.
D’où cette écologie globale, cette écologie de la personne que j’appelle de mes vœux pour notre société tout entière. D’où également ce management par les équilibres que je prône dans les entreprises.